Étiquette : Mobilités & transports (Page 1 of 14)

TRIBUNE – Autoroutes, retrouvons d’urgence une véritable maîtrise publique

Merci au Monde de publier ma tribune cosignée par Christine Pires Beaune, Olivier Faure, Boris Vallaud, Patrick Kanner et plus de soixante parlementaires socialistes proposant un nouveau modèle de gestion de nos autoroutes et routes nationales à travers la création d’un établissement public « Routes de France » qui piloterait une politique publique routière cohérente, sociale et ancrée dans la transition écologique au moment où de larges réflexions sont en cours sur l’avenir des concessions.

Le texte complet et le lien vers l’article :

Alors que les prix des péages ont augmenté de près de 5 %, grevant encore davantage le pouvoir d’achat des usagers de la route, la presse s’est fait l’écho ces dernières semaines d’un rapport de l’inspection générale des finances (IGF) qui prouve une nouvelle fois que la surrentabilité des autoroutiers va bien au-delà de la « rémunération raisonnable » prévue par les contrats.

Mieux, pour répondre au déséquilibre manifeste des contrats de concession, l’IGF préconise de réduire leur durée de dix ans, de diminuer de moitié les tarifs des péages ou de prélever près de deux tiers des bénéfices. Le silence et l’opacité du gouvernement autour des conclusions de ce rapport, qu’il détient depuis deux ans, sont choquants !

Commission d’enquête, questions au gouvernement, débats dans les hémicycles, trois propositions de résolution… Nous dénonçons depuis 2017, à l’Assemblée comme au Sénat, la double inaction du gouvernement. Rien n’est fait pour rééquilibrer les contrats et aucune préparation de l’après-concessions n’est entamée, alors qu’ils arriveront à échéance entre 2031 et 2036. Pire, le gouvernement préfère engranger près de 50 milliards d’euros de recettes fiscales depuis 2006 (TVA, impôt sur les sociétés, etc.) sur le dos des usagers grâce au tango parfaitement orchestré avec les sociétés concessionnaires d’autoroutes, dont la rentabilité va encore s’accroître : 40 milliards d’euros entre 2020 et 2036 contre 24 milliards d’euros sur 2006-2019, selon un rapport du Sénat.

« Routes de France »

En faisant fi du rapport de l’IGF et de notre demande d’évaluation, par le Conseil d’Etat, de l’équilibre économique des contrats et du coût d’une résiliation, le gouvernement privilégie le statu quo, laissant les profits des autoroutiers exploser, et le reste du réseau routier se détériorer.

 

Pour autant, la renationalisation immédiate du réseau promue par certains nous paraît inopérante et coûteuse à dix ans de la fin des contrats, là où la rentabilité est la plus forte. Il va de soi que l’argent d’une éventuelle indemnisation des sociétés d’autoroutes serait bien mieux utilisé pour la rénovation des routes nationales en piteux état, des voies ferrées et fluviales, ou pour aider les particuliers à changer la motorisation de leurs véhicules à l’heure des zones à faibles émissions…

C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de construire une autre voie à l’opposition devenue stérile entre renationalisation qui coûte cher et poursuite d’un modèle concessif spoliateur. Cette solution commence inévitablement par l’arrêt, préconisé par l’IGF, des prolongations des contrats et leur non-renouvellement.

Cette voie alternative que nous proposons est simple et inspirée de ce qui fonctionne pour les infrastructures ferroviaires et fluviales : créer un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) « Routes de France », qui aurait vocation à gérer l’ensemble du réseau routier national non concédé (routes nationales et autoroutes publiques), auquel s’ajouterait le réseau autoroutier concédé, une fois les contrats échus. Il aurait quatre grandes priorités : mettre fin au système actuel déséquilibré en affirmant la maîtrise publique du service public routier ; améliorer le réseau non concédé, qui est en bien moins bon état que les autoroutes privées ; moderniser l’ensemble du réseau en entamant sa transition sociale-écologique ; bornes électriques, voies réservées, aires de covoiturage, multimodalité, abonnements pour les navetteurs ; décentraliser une partie du réseau en faisant une véritable place aux collectivités au sein du conseil d’administration de l’EPIC.

Au service des usagers

« Routes de France » exploitera le réseau en régie, avec les effectifs actuels des directions interdépartementales des routes, ou en délégation, mais avec des contrats nouveaux et véritablement maîtrisés : périmètres revus et centrés sur la maintenance et l’exploitation du réseau, sortie du « risque trafic » (la rémunération du délégataire ne sera donc plus liée au trafic ni au risque correspondant à son évolution), durées réduites, clauses de revoyures régulières…

Alors que les péages prendront fin en même temps que les concessions et qu’un réseau 100 % gratuit serait périlleux face aux investissements nécessaires, ce modèle économique est viable en ce qu’il mobilisera deux sources de financement principales. D’une part, une redevance d’usage pour les poids lourds par le biais d’une écocontribution française (et à terme européenne) sur l’ensemble du réseau national, consacrant ainsi le principe pollueur-payeur pour financer l’entretien du réseau, la conversion des flottes, le report modal vers le train et le fluvial pour décarboner le transport de marchandises.

D’autre part, pour ce qui concerne les investissements structurels, nous proposons de préempter une partie des futures recettes post-concessions afin d’actionner un effet levier permettant d’emprunter à des taux faibles, puisque garantis par l’Etat. En 2017, un syndicat d’ingénieurs suggérait que, avec 4 milliards d’euros de ressources potentielles, il serait possible « d’engager un volume de 40 milliards d’euros d’investissements », selon une audition du Conseil d’orientation des infrastructures. Un modèle économique innovant utilisé aujourd’hui par la société du Grand Paris pour financer ses travaux et que même Clément Beaune souhaite « poursuivre, amplifier et approfondir ».

Il est absolument nécessaire que l’Etat régulateur exerce pleinement un rapport de force avec des sociétés d’autoroutes qui ont échappé à son contrôle. Dès aujourd’hui, appliquons les préconisations de l’IGF (baisse des tarifs des péages, prélèvement sur les bénéfices) et préparons l’après-concessions. Le réseau autoroutier doit être extrait de l’emprise du marché pour être mis au service des usagers – avec des tarifications sociales – et pour assurer sa transition écologique.

Les parlementaires signataires :

Olivier JACQUIN, sénateur PS de Meurthe-et-Moselle

Christine PIRES BEAUNE, députée PS du Puy-de-Dôme

Olivier FAURE, premier secrétaire du Parti Socialiste, député de Seine-et-Marne

Hervé GILLE, sénateur PS de la Gironde

Patrick KANNER, président du groupe socialiste au Sénat, sénateur du Nord

Boris VALLAUD, président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, député des Landes

 

David ASSOULINE, sénateur PS de Paris

Marie-Noëlle BATTISTEL, députée PS de l’Isère

Joel BIGOT, sénateur PS du Maine-et-Loire

Florence BLATRIX-CONTAT, sénatrice PS de l’Ain

Denis BOUAD, sénateur du Gard

Mickael BOULOUX, député PS d’Ille-et-Vilaine

Hussein BOURGI, sénateur PS de l’Hérault

Isabelle BRISUET, sénatrice PS de la Haute-Vienne

Rémi CARDON, sénateur PS de la Somme

Marie-Arlette CARLOTTI, Sénatrice PS des Bouches-du-Rhône

Yan CHANTREL, sénateur PS des Français-es de l’étranger

Catherine CONCONNE, sénatrice PS de la Martinique

Hélène CONWAY-MOURET, sénatrice PS des Français-es de l’étranger

Thierry COZIC, sénateur PS de la Sarthe

Marie-Pierre De La GONTRIE, Sénatrice PS de Paris

Arthur DELAPORTE, député PS du Calvados

Stéphane DELAUTRETTE, député PS de la Haute-Vienne

Gilbert-Luc DEVINAZ, sénateur PS de la Métropole de Lyon et du Nouveau Rhône

Inaki ECHANIZ, député PS des Pyrénées-Atlantiques

Frédérique ESPAGNAC, sénatrice PS des Pyrénées-Atlantiques

Rémi FERAUD, sénateur PS de Paris

Corinne FERET, sénatrice PS du Calvados

Jean-Luc FICHET, sénateur PS du Finistère

Martine FILLEUL, sénatrice PS du Nord

Jérôme GUEDJ, député PS de l’Essonne

Jean-Michel HOULLEGATTE, sénateur PS de la Manche

Victoire JASMIN, sénatrice PS de la Guadeloupe

Patrice JOLY, sénateur PS de la Nièvre

Marietta KARAMANLI, députée PS de la Sarthe

Fatiha KELOUA-HACHI, députée PS de la Seine-Saint-Denis

Eric KERROUCHE, sénateur PS des Landes

Annie LE HOUEROU, sénatrice PS des Côtes d’Armor

Jean-Yves LECONTE, sénateur PS des Français-es de l’étranger

Gérard LESEUL, député PS de Seine-Maritime

Victorin LUREL, sénateur PS de la Guadeloupe

Serge MERILLOU, sénateur PS de la Dordogne

Michèle MEUNIER, sénatrice PS de Loire-Atlantique

Marie-Pierre MONIER, sénatrice PS de la Drôme

Franck MONTAUGE, sénateur PS du Gers

Ana PIC, députée PS de la Manche

Sébastien PLA, sénateur PS de l’Aude

Dominique POTIER, député PS de Meurthe-et-Moselle

Emilienne POUMIROL, sénatrice PS de Haute-Garonne

Angèle PREVILLE, sénatrice PS du Lot

Valérie RABAULT, députée PS du Tarn-et-Garonne, vice-présidente de l’Assemblée nationale

Claude RAYNAL, sénateur PS de la Haute-Garonne, président de la commission des finances du Sénat

Christian REDON-SARRAZY, sénateur PS de la Haute-Vienne

Claudia ROUAUX, députée PS d’Ille-et-Vilaine

Hervé SAULIGNAC, député PS de l’Ardèche

Jean-Pierre SUEUR, sénateur PS du Loiret

Jean-Claude TISSOT, sénateur PS de la Loire

Mélanie THOMIN, députée PS du Finistère

Jean-Marc TODESCHINI, sénateur PS de la Moselle

Cécile UNTERMAIER, députée PS de Saône-et-Loire

Mickael VALLET, sénateur PS de la Charente-Maritime

Sabine VAN HEGHE, sénatrice MDC du Pas-de-Calais

TRIBUNE – En pleine crise de l’énergie, il est temps de déclarer l’état d’urgence ferroviaire

Le Monde publie dans son édition du jour (en ligne hier) la tribune que je cosigne avec mes collègues sénateurs Jacques Fernique (EELV, Bas-Rhin) et Gérard Lahellec (PCF, Côtes d’Armor).

A l’heure de la crise écologique, à laquelle s’ajoute depuis quelques mois une crise énergétique, le gouvernement a signé en catimini le contrat décennal avec SNCF Réseau qui gère les voies et donc les travaux. Or il manque 1Md€/an pour assurer une régénération et une modernisation du réseau existant ! Avec 10Mds€ manquants sur la décennie, c’est une mise en danger inégalée pour les petites lignes (IUC 7 à 9 dans le jargon) mais également pour beaucoup de lignes moyennes (IUC 5 et 6) !

Nous avons pourtant alerté lors des auditions au Sénat, les régions et les professionnels du fret se sont mobilisés, l’autorité de régulation des transports a rendu un avis très mitigé et formulé nombre de propositions… en vain. Le contrat n’a pas été modifié et c’est uniquement grâce à la presse spécialisée (Contexte) que nous avons appris début juin que le contrat avait été signé en … avril !

Nous prenons donc la plume pour alerter sur les conséquences de cette signature, de l’incohérence de la politique macroniste en matière de transports et affirmer qu’une autre politique ferroviaire est possible !

Le texte de la tribune :

Emmanuel Macron s’est opportunément converti à l’écologie dans l’entre-deux-tours de la présidentielle, parlant de « planification » et annonçant vouloir réinvestir dans le ferroviaire, mais le naturel est vite revenu au galop : absence de ministre des transports pendant un mois, rétrogradation du ministère de l’écologie dans l’ordre protocolaire, propos approximatifs sur les seules petites lignes dans la déclaration de politique générale de la première ministre pourtant spécialiste des transports…

Cela s’est également illustré par la signature en catimini du nouveau contrat de performance de SNCF Réseau alors qu’il avait réussi l’exploit de faire l’unanimité de tous les acteurs concernés contre lui lors de sa présentationau mois de mars avec deux ans de retard ! L’autorité de régulation des transports a même qualifié ce document, qui détermine les investissements sur l’ensemble du réseau ferroviaire pour la décennie à venir, d’« occasion manquée » tant il maintient la tête de la SNCF sous l’eau financièrement, empêchant de fait une amélioration de l’état du réseau. Dans ces conditions, il sera impossible de doubler la part du train dans les années 2030 comme le souhaite le PDG de la SNCF, et donc d’atteindre nos objectifs climatiques !

Alors que la politique ferroviaire doit être menée sur du long terme et sans à-coup, le gouvernement a opéré ces derniers mois un double tête-à-queue, nouvelle déclinaison du « en même temps » ?

Rééquilibrer la compétitivité du rail

Un premier à l’été 2021 lorsque Emmanuel Macron a remis en cause la priorité aux transports du quotidien en annonçant la construction de trois nouvelles LGV. Si elles peuvent présenter des intérêts localement, ces lignes restent non financées et viennent déséquilibrer une programmation des infrastructures déjà insuffisante. Pire, elles ne sont même pas traduites dans le nouveau contrat de performance !

Le second tête-à-queue vient de latrès forte augmentation prévue des prix des péages ferroviaires – de 30 % selon nos calculs à partir des données du document cadre –, alors qu’ils sont déjà les plus chers d’Europe, empêchant de fait de rééquilibrer la compétitivité du rail face à la route. Dès lors, comment le gouvernement compte-t-il relancer le ferroviaire s’il le rend plus cher pour l’ensemble de ses usagers ?

Parce que ce combat est le nôtre depuis des années, nous continuons de défendre une politique ferroviaire alternative, à même de générer une baisse tendancielle du coût du service public, d’assurer un maillage équilibré du territoire et de répondre à l’urgence écologique.

Il est urgent de donner un vrai modèle économique au rail, pour les voyageurs comme pour le fret. Le gouvernement n’a pas assez profité du « quoi qu’il en coûte » et des plans de relance pour le faire. En ce temps de crise de l’énergie, réaffirmons que le fer est plus résilient que l’aérien et la route en reconnaissant leurs externalités négatives.

Régénération et modernisation

Malgré la reprise de 35 milliards d’euros de dette de SNCF Réseau et les fonds de relance vers le fret et les trains de nuit, nous savons qu’il manque au moins un milliard d’euros par an au gestionnaire d’infrastructure pour envisager un maillage équilibré du territoire et offrir une alternative de mobilité à nos concitoyens. Donnons-le-lui !

Nous savons que notre réseau vieillit : 29 ans en moyenne contre 17 en Allemagne. Accélérons sa régénération et sa modernisation pour augmenter la sécurité et les fréquences sur les sillons, avec une vraie stratégie qui n’est aujourd’hui pas proposée.

Nous savons que plusieurs régions sont volontaires pour rénover à leurs frais les « petites lignes ». L’Etat doit les accompagner.

Nous savons que la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre passera d’abord par le report modal, et notamment des marchandises de la route vers le rail. Affirmons le principe « pollueur-payeur » et mettons véritablement les moyens financiers et techniques pour atteindre le doublement de la part du fret.

Il est temps de déclarer l’état d’urgence ferroviaire. Ce contrat de performance de SNCF Réseau est la dernière brique de l’équilibre instable de la politique ferroviaire, et plus largement des transports, du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. C’est pourtant la première pierre à poser pour se remettre dans la trajectoire carbone que la France et l’Union européenne se sont fixée : − 55 % en 2030. Il ne peut pas être un simple « contrat d’assainissement financier ». Il faut le réviser sans attendre !

Jacques Fernique est sénateur EELV du Bas-Rhin, responsable des questions de transport pour le groupe écologiste du Sénat ; Olivier Jacquin est sénateur PS de Meurthe-et-Moselle, secrétaire national du PS chargé des transports et des mobilités ; Gérard Lahellec est sénateur PCF des Côtes-d’Armor, ancien vice-président chargé des transports de la région Bretagne (2004-2020). Tous trois sont membres de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat.

TRIBUNE – Pour un état d’urgence ferroviaire

Ravi de signer cette tribune dans Alternatives économiques avec Jacques Fernique, Sénateur EELV de Bas-Rhin, et Gérard Lahellec, Sénateur PCF des Cotes d’Armor.
Nous dénonçons le malthusianisme ferroviaire macroniste depuis des années. L’absence de ministère des transports et le contrat de performance de SNCF Réseau ne font que confirmer nos craintes.
tribune ferroviaire alter éco

Lors de son meeting de Marseille, Emmanuel Macron s’est opportunément converti à la cause écologique, parlant de « planification » et annonçant vouloir réinvestir sur le ferroviaire. L’absence de ministre des Transports dans le nouveau gouvernement et la présentation début mars du nouveau contrat de performance de SNCF Réseau montrent cependant une véritable contradiction avec cet engagement. En effet, ce plan ferroviaire à 10 ans qui maintient la tête de la SNCF sous l’eau financièrement, empêchant une amélioration de l’état du réseau pourtant vieillissant, et prévoit une augmentation des péages ferroviaires de 30%, empêchant de rééquilibrer la compétitivité du rail face à la route. Dans ces conditions, il sera impossible de doubler la part du train en 2030 comme le souhaite Jean-Pierre Farandou, PDG de la SNCF (1). Parce que ce combat est le nôtre depuis des années, nous continuons de défendre une politique ferroviaire alternative à celle menée depuis 2017 et à même d’assurer un maillage équilibré du territoire et la nécessaire transition écologique.

 

La méthode et les priorités du Gouvernement ont d’abord été consensuelles avec les Assises nationales de la mobilité qui priorisaient les mobilités du quotidien, adossées au rapport du Conseil d’orientation des infrastructures sur les besoins de financement de nos infrastructures et proposant des scénarios de réalisation. Mais pressé de réformer tous azimuts, l’exécutif a préféré se payer un symbole en ordonnant l’ouverture à la concurrence et supprimant brutalement le statut des cheminots.

En faisant passer le pacte ferroviaire avant la loi d’orientation des mobilités (LOM), c’est toute la politique des transports du gouvernement qui dérailla irrémédiablement.

Alors que l’urgence climatique n’a jamais été aussi prégnante, il a fallu attendre les ultimes semaines du quinquennat pour que soit présenté, avec deux ans de retard, le nouveau contrat de performance de SNCF Réseau. Il s’agit ni plus ni moins du document qui détermine les investissements sur l’ensemble du réseau ferroviaire français pour la décennie à venir ! Le gouvernement a même réussi l’exploit de faire l’unanimité de tous les acteurs concernés contre ce projet ; l’autorité de régulation des transports allant même jusqu’à qualifier le document d’« occasion manquée » (2).

Alors que la politique ferroviaire doit être menée sur du long terme et sans à-coup, le gouvernement a opéré ces derniers mois un double tête-à-queue, nouvelle déclinaison du « en même temps » ?

Un premier, en juillet dernier, lorsque le président Macron a remis en cause la priorité aux transports du quotidien en annonçant la construction de quatre nouvelles lignes à grande vitesse. Si elles peuvent présenter des intérêts localement, ces lignes restent non financées et viennent déséquilibrer la programmation des infrastructures de la LOM, déjà insuffisante. Pire, elles ne sont même pas traduites dans le contrat de performance !

Le second tête-à-queue est directement contenu dans ce document cadre : une très forte augmentation des prix des péages ferroviaires, alors qu’ils sont déjà les plus chers d’Europe ! Après la crise des gilets jaunes, la pandémie et ses confinements et alors qu’il faut plus que jamais relever le défi climatique, comment le gouvernement pense-t-il pouvoir relancer le ferroviaire en le rendant plus cher pour l’ensemble de ses usagers ?

En ce temps de crise de l’énergie, il nous faut réaffirmer que le fer est plus résilient que l’aérien et la route. Il est urgent de donner un vrai modèle économique au rail, que ce soit pour les voyageurs ou le fret, en reconnaissant les externalités négatives, puisque le gouvernement n’a pas assez profité du « quoi qu’il en coûte » et des plans de relance pour le faire.

Malgré la reprise de la dette de SNCF Réseau (35Mds€) dans le cadre du Nouveau Pacte Ferroviaire et les fonds de relance vers le fret et les trains de nuit, nous savons qu’il manque au moins 1 milliard d’euros par an au gestionnaire d’infrastructures pour envisager un maillage équilibré du territoire et offrir une alternative de mobilité à nombre de nos concitoyens. Donnons-le-lui !

Nous savons que notre réseau est vieillissant : 29 ans en moyenne contre 17 en Allemagne. Il faut accélérer sa régénération et sa modernisation pour augmenter la sécurité et les fréquences sur les sillons, avec une vraie stratégie qui n’est aujourd’hui pas proposée.

Nous savons que plusieurs Régions sont volontaires pour rénover à leurs frais les « petites lignes ». L’État doit les accompagner.

Nous savons que la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre passera d’abord par le report modal, et notamment des marchandises de la route vers le rail. Affirmons le principe « pollueur-payeur » et mettons véritablement les moyens financiers et techniques pour atteindre le doublement de la part du fret.

 

Ce contrat de performance de SNCF Réseau est la dernière brique de l’équilibre instable de la politique ferroviaire, et plus largement des transports, du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. C’est pourtant la première pierre à poser pour se remettre dans la trajectoire carbone que la France et l’Union Européenne se sont fixées : -55% en 2030. Il ne peut pas être un simple « contrat d’assainissement financier » (3). Il faut le réviser sans attendre !

Il est temps de déclarer l’état d’urgence ferroviaire. Pour le climat et pour l’emploi.

 

Olivier JACQUIN, Sénateur PS de Meurthe-et-Moselle

Jacques FERNIQUE, Sénateur EELV du Bas-Rhin

Gérard LAHELLEC, Sénateur PCF des Côtes-d’Armor



[1] « Le fer contre le carbone », Jean-Pierre Farandou, 10 février 2022.

[2] Bernard Roman, président de l’ART, lors de son audition au Sénat le 9 février 2022

« Older posts

© 2024 Olivier Jacquin

Theme by Anders NorenUp ↑