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Tribune – La transition écologique impose de révolutionner le modèle obsolète de la voiture individuelle

Aux côtés notamment de Karima Delli, présidente EELV de la commission transports du Parlement Européen, et de Thomas Matagne, Fondateur de la plateforme de covoiturage ECOV, je signe dans Le Monde cette tribune qui appelle a changer de paradigme concernant la voiture individuelle qui constitue encore 80% des trajets. Comme je le proposais déjà dans mon rapport sur les mobilités dans les espaces peu denses en 2020, nous souhaitons augmenter le taux d’occupation en la « socialisant » davantage.

Le texte complet :

Le seul secteur de l’Union européenne dont les émissions de gaz à effets de serre (GES) augmentent, quand celles de tous les autres diminuent ? Les transports. Le secteur le plus émetteur en France ? Les transports. Dont plus de la moitié des émissions (54 %) proviennent des véhicules particuliers.

La transition impose donc de révolutionner le modèle obsolète de la voiture individuelle. Sachant qu’elle représente encore 81 % des kilomètres parcourus par les Français, un changement complet de vision est indispensable, avec en particulier le taux d’occupation (TO) comme nouvelle boussole.

La démocratisation de l’accès aux véhicules depuis un siècle a conduit à une individualisation de leur usage : aujourd’hui, le taux d’occupation des voitures, en baisse constante, est de seulement 1,3 personne pour les trajets quotidiens. Soit un taux de gaspillage de la capacité de transport de presque 75 %.

Conséquences : une hausse du trafic et donc des impacts, sur le climat mais aussi des pollutions atmosphérique et sonore, l’artificialisation des sols (étalement urbain et infrastructures), la qualité de vie (pouvoir d’achat, congestion, etc.). Pourtant, en matière de mobilité, les pistes d’action arbitrées jusqu’à présent pour enclencher la transition perpétuent ce modèle individualiste, qui confine à l’absurde.

Sortir du « système voiture individuelle »

Les solutions technophiles ? Par le passé, les gains de performance des véhicules thermiques ont été compensés par d’autres effets (masse augmentée, TO diminué, etc.). Actuellement, l’énorme et nécessaire effort public et privé engagé pour électrifier les véhicules ne permettra d’avoir renouvelé le parc que vers 2040 au mieux. Par ailleurs, l’électrification ne résoudra pas seule certains enjeux (émissions sur le cycle de vie, congestion, précarité de mobilité, etc.). La technologie est nécessaire, mais insuffisante.

Le report modal vers des déplacements moins polluants ? Si les transports collectifs ont été développés avec succès en zones denses, les véhicules particuliers continuent de représenter 75 % du trafic. D’où l’importance de mettre l’accent sur les zones moins denses, périurbaines et rurales – dans lesquelles il n’y a pas assez de passagers pour remplir un bus de cinquante places toutes les dix minutes. Quant au vélo, s’il prend depuis quelques années un essor significatif avec un potentiel d’impact réel, il ne répond pas à tous les besoins de déplacement.

Sortir du « système voiture individuelle » inefficace impose d’aller plus loin et de changer radicalement de point de vue sur la mobilité routière. Cela passe par la définition d’indicateurs fiables mesurant l’efficacité environnementale et économique du « système routier » (véhicules + infrastructures).

C’est précisément ce que permet la notion de « taux d’occupation », c’est-à-dire le nombre moyen de passagers par véhicule.

Cet indicateur, qui mesure l’optimisation de l’usage du capital investi, est suivi dans tous les secteurs économiques effectivement pilotés : hôtellerie, gestion de biens immobiliers, transports collectifs, etc. A l’inverse, il est absent de l’évaluation du système routier, pour lequel seul le nombre de véhicules circulants est pris en compte. Un peu comme si on faisait circuler des rames de TGV sans se soucier du nombre de personnes à bord. Le constat est simple : le « système routier » n’est aujourd’hui pas piloté.

Le taux d’occupation, un levier structurant

La situation est d’autant plus absurde que le TO est un levier structurant grâce à une caractéristique unique : un potentiel d’impact gigantesque sans nécessité de renouvellement du parc. C’est bien pour cela que les scénarios de transition, même technophiles comme la stratégie nationale bas carbone (SNBC), concluent à la nécessité d’une hausse du TO.

La mesure du TO autoriserait une réinvention profonde de l’imaginaire de la mobilité, au profit d’une vision fondée sur l’usage effectif pour les personnes qui permettrait une optimisation générale du système routier. Avec, à la clé, le potentiel de faire tomber les barrières sociales, industrielles, commerciales… dressées devant la transition.

En effet, l’augmentation du TO serait à l’origine de gains qu’aucun autre levier ne permet : hausse du pouvoir d’achat à court terme pour nos concitoyens vivant hors des centres-villes, gains de productivité économique et réduction du déficit commercial… Le pétrole et le lithium ne sont pas sous nos pieds, mais bien sous nos yeux, dans les sièges libres disponibles.

Une fois cette puissance reconnue, l’enjeu est de construire le « système de trajets partagés » pour qu’il devienne au quotidien aussi simple que de prendre un bon transport collectif. Cela implique de dépasser les segmentations historiques de la mobilité (les infrastructures versus l’automobile versus les transports), pour penser usages et nouveaux modèles économiques. La conquête de cette nouvelle frontière économique se fera par fertilisation intersectorielle.

Une transformation systémique

Pour réinventer le « système routier », il faut toucher à tout : l’infrastructure (voies réservées dynamiques par exemple), les véhicules (notamment avec les véhicules connectés, voire autonomes), et de nouveaux services dans les territoires. Des initiatives pionnières existent en France et prouvent le potentiel de cette réinvention ; mais elles sont encore marginales et disposent de moyens insignifiants par rapport à l’enjeu. Une telle transformation systémique ne sera possible qu’avec une vraie ambition politique.

En particulier, l’Union européenne, qui se veut le fer de lance d’une mobilité intelligente et durable, doit se saisir de ce sujet.

Nous plaidons pour que les mesures du taux d’occupation des véhicules et des objectifs associés constituent une nouvelle boussole et un nouveau cap dans le cadre du règlement « Fit for 55 » [un plan de réduction des émissions européennes de gaz à effet de serre de 55 % en 2030 par rapport à 1990]. Nous comptons sur la présidence française de l’Union européenne pour poser les bases de la construction d’un « système routier européen » performant et durable, car optimisé.

Liste des signataires : Rémi Bastien, président du pôle de compétitivité NextMove, expert automobile ; Guy Bourgeois, ancien directeur général de l’Institut national de recherche sur les transports et la sécurité (Inrets), expert transport ; Stéphane Chatelin, directeur de l’association NégaWatt, expert mobilité ; Karima Delli, députée européenne (EELV), présidente de la Commission du transport du Parlement européen ; Olivier Jacquin, sénateur (PS), membre de la Commission de l’aménagement du territoire et développement durable ; Nadine Leclair, présidente de la Fédération internationale des sociétés d’ingénieurs des techniques de l’automobile (Fisita), experte automobile ; Thomas Matagne, président fondateur d’Ecov, start-up à impact ; Matthieu Orphelin, député (ex-LRM), membre de la commission des lois ; Damien Pichereau, député (LRM), vice-président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire ; Daniel Sperling, directeur fondateur de l’Institute of Transportation Studies, professeur à l’université de Californie, Davis, expert transports.

Entretien des routes nationales : la Cour des Comptes valide mes constats

Communiqué de presse – 14 avril 2022

La Cour des Comptes a publié fin mars un rapport sur l’état des routes nationales et départementales. Rapporteur pour avis du Sénat sur le budget du transport routier j’avais alerté à l’automne sur le manque de moyens financiers et humains alloués à notre réseau routier non concédé. Je révélais qu’en 2021 50% du réseau était dans un état dégradé et 20% nécessitait un entretien structurel ! La commission du développement durable avait en conséquence suivi ma recommandation en votant un amendement allouant 100 millions d’euros supplémentaires au budget afin que l’État y consacre 1 milliard d’euros par an.

Nous n’avons pas été entendus. La Cour des Comptes tire comme nous la sonnette d’alarme.

En parallèle, j’ai déposé un texte proposant une solution globale pour notre réseau routier national : créer un établissement public « Routes de France » auquel serait confié, en lien avec les collectivités, la gestion de toutes les routes nationales et autoroutes à la fin des concessions. Ainsi, avec des recettes affectées dont celles de la future Eurovignette avec l’application du principe pollueur-payeur, serait créé un cercle vertueux de financement de l’ensemble des infrastructures routières, et même plus largement, de transport.

Il est temps de réinventer notre modèle de gestion du réseau routier pour une maitrise publique de ce service public. Notre patrimoine en dépend !

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